Le retour de Délios

Alors que l'an 16 vient de commencer, le Grand Prêtre de Zeus monte sur le podium, après avoir fait annoncer par quelques uns des partisans démocrates son prochain discours.
Délios attend que l'agora se remplisse un peu puis entreprend de commencer. Il énonce, d'une forte et claire malgré l'âge

Citoyens !

Athènes subit la punition des Dieux. Punition de Zeus et de son frère Poséidon pour avoir oser les disjoindre des fêtes de la cité, pour avoir eu l'audace de les oublier du calendrier religieux. Punition sévère en ces temps de disette, punition qui provoquera la faim dans cette cité où les autorités se sont montrées avares de leur or ! Athènes a voulu conserver ses oboles, les Dieux ont conservé leur blé et vous ne devez qu'au système prévoyant des greniers et des terres publiques, instaurées sous la démocratie d'avoir pu manger cette année.
Cette punition était prévisible pour les esprits sages, elle a été prévue par les Temples et l'Ecclésia fut prévenue par mes propres soins, en la présence du Roi. Citoyen, le Grand Prêtre de Zeus, choisi par le Roi des Dieux lui-même pour le représenter, avait prévenu de la menace que comportait ce calendrier religieux décidé par le Roi Cimon. L'Ecclésia se trouvait devant un dilemme, deux hommes prétendant avoir été sacrés par les Dieux étaient en désaccord, lequel croire ?
Les citoyens, trompés par quelques activistes extrêmistes, ont fait le choix de soutenir le Roi et de rejeter le prêtre. Aujourd'hui comme hier, Zeus Roi, le plus légitime des Rois de l'univers, m'a donné raison et le peuple s'est trouvé puni de ce mauvais choix religieux. le Roi, qui se prétend régulièrement élu des Dieux, n'a pas su lire les présages et n'a pas cru bon de m'écouter. Ce même Roi a conduit son peuple à la disette.
nul doute que Cimon ait été mal conseillé par ses proches, qu'il a été trompé sur sa clairvoyance. A force de s'entendre répêter qu'on est un être sacré, on en vient à le croire. Pourtant, la couronne que porte Cimon n'est nullement venue de l'Olympe, elle lui a été délégué par le seul souverain d'Athènes : le Peuple. Tous les hommes se trompent un jour ou l'autre toutefois, un véritable homme saint ne se serait pas trompé sur un sujet pareil. Cimon est probablement un brillant et intelligent mais il n'est qu'un homme comme un autre et il fait des erreurs.
Aujourd'hui pourtant, le peuple doit en tirer les conséquences. Ce qui faisait la grandeur de notre démocratie issue d'Athéna elle même, c'était qu'aucun homme n'avait trop de pouvoirs par rapport aux autres, qu'il existait un système de contre-pouvoirs, un équilibre des institutions. Un pouvoir parfait et circulaire, un pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Quand la royauté a été installée, on a dit parfois qu'elle apporterait la stabilité et l'ordre qui manquaient à la démocratie mais ces derniers temps nous démontrent plutôt un système autoritaire cherchant à s'accaparer le pouvoir souverain du peuple et à tuer la liberté et l'indépendance des athéniens, tout ce qui faisait d'Athènes une cité modèle à travers le monde, un espoir et une lueur éclairant cet univers de ténèbres et de barbarie.
Le Roi incarne le Sacré ? Pourquoi a-t-il fait un choix provoquant la colère des Dieux ? Le Roi incarne la loi ? Pourquoi outrepasse-t-il ses prérogatives ? Le Roi incarne la Justice ? Pourquoi ne punit-il pas les propos extrêmistes de son frère ni les massacres des athéniens par les royalistes ? Incarne-t-il la réconciliation ? Pourquoi sommes nous si divisés alors ?

Je suis opposé à la monarchie, tout simplement parce qu'elle n'a pas lieu d'être à Athènes. Je suis démocrate envers et contre tout parce qu'Athènes est le berceau de la démocratie. Je suis fier d'Athènes et son passé m'honore et me ravit d'espoir. Je suis dils d'Athènes comme tant d'autres ici et je porte en moi tout ce qu'Athènes comporte de grandeurs, de singularité et de valeur. Il était un rêve qui s'appelait Athènes, rêve de tout un peuple, rêve de démocratie en un temps où le simple fait d'en parler pouvait le tuer. Pourtant, des hommes braves et valeureux se levèrent et portèrent à la lumière ce rêve extraordinaire. Ils combattirent et versèrent leur sang pour lui; on disait d'eux qu'ils étaient des héros ... Je ne les ai pas oublié, je garde en moi leur mémoire et leur sacrifice pour nous. Je garde en moi la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour le rêve de tout un peuple et je sais que je ne suis pas le seul. Qui n'a pas eu un père, un frère ou un mari qui soit tombé pour qu'Athènes soit Athènes ? Certains disent qu'Athènes c'est son Roi mais moi, je dis qu'Athènes c'est son peuple. Spartes à sa monarchie, Marathon a sa tyrannie mais Athènes a sa démocratie.

J'ai eu tort de quitter l'Ecclésia, de quitter le combat pour la démocratie. J'ai cru qu'Athènes était perdue et la démocratie finie mais je me suis rendu compte que tant que notre rêve vivrait à l'intérieur d'un seul d'entre nous, alors rien ne serait perdu.
Je suis athénien et donc démocrate. Je porte en moi le souvenir de nos pères jadis et l'avenir de nos fils à travers les siècles. J'irais de nouveau à l'Ecclésia et j'irais m'asseoir en face du Roi et de ses partisans et quand ils prendront la parole, ils sauront qu'il y a encore des démocrates à Athènes et que l'Ecclésia n'est plus abandonnée. Ils verront Délios Philaide sur les marches de l'Assemblée du Peuple mais dans mes yeux ils verront les milliers d'Athéniens morts que je représenterai et par ma voix ils entendront leurs milliers de voix protester contre cette infâmie !

Pourquoi le Roi ne prend-il pas le pouvoir absolu comme à Spartes ou Marathon, nos ennemis de toujours ? Pas parce qu'il est un royaliste modéré sinon il ne rognerait pas la liberté, l'indépendance et la souveraineté du peuple. Non, citoyens, les royalistes agissent avec prudence parce qu'ils savent que le peuple est démocrates jusqu'au fond de son coeur, même s'il peut arriver que certains se soient trompés. Les royalistes réagissent violemment pour maintenir le peuple dans la peur mais cela ne signifie qu'une chose, c'est qu'ils ont peur eux mêmes de nous !
j'invite les démocrates et tout ceux qui ont été trompés par la monarchie à me rejoindre sur les bancs de l'Ecclésia. Comme nos ancêtres autrefois, comme les pères de la démocratie, relevons la tête et saisissons à pleines mains le brandon ardent de la démocratie et le porter aux yeux de tous ! A nouveau, les athéniens vont reprendre en main leur destin, à nouveau, ils écriront l'histoire, les fils d'Athéna !

Au fur et à mesure du discours, la foule s'amasse. On atteint presque les 200 personnes aux 3/4 du discours.

Mais des voix s'élèvent bien avant comme à la fin. Des voix d'accord et d'autres, moins en accord.

- Les royalistes ont peur des démocrates ? Ma foi, avec la répression qui a suivi l'instauration de la démocratie, ça ne m'étonne pas !

- Les royalistes aussi ont massacré des démocrates, j'étais là, j'ai tout vu !

- Foutaises ! Est-on encor en train de vous persécuter nous ? C'était devenu votre sport favori à vous les démocrates !

- Et puis que racontes-tu ?!! Les fêtes en l'honneur de Zeus et Poséidon ont bien eut lieu ! Le Roi, sage et à l'écoute, a décidé de les mettre en place pour la fin de l'année.

- Ouais, Cimon le peureux !

- Cimon le Grand !! Bâtard !!

- Tu n'as aucune parole Délios ! Tu dis te retirer de l'ecclesia et tu reviens! Honte à toi ! Les Dieux ont abandonné ta personne ! Tu n'es plus digne du clergé de Zeus !

Les démocrates se regroupent, ils affichent un groupe compacte. Au fur et à mesure, certains osent enfin se montrer démocrate alors qu'auparavant ils le cachaient.

Au bout de 5 minutes d'allers-retours, on se retrouve avec trois groupes de citoyens. Les démocrates et les royalistes à plus ou moins égalité et les indépendants.

Délios conserve son calme

J'ai déclaré que je quittai l'Ecclésia oui, mais cela était une mauvaise solution basée sur ma fierté personnelle et c'est par raison et sagesse que je suis revenu sur ma décision, il vaut mieux subir les insultes et les quolibets de quelques extrêmistes que de renier tout ce pour quoi tant d'Athéniens sont morts.
Alors peut-être que je n'ai plus la parole nécessaire à la vie politique mais il reste que ma décision est emprunte de sagesse et d'humanisme. Mettez la donc à comparaison avec la décision de Cimon de ne pas honorer l'esprit des athéniens massacrés par les royalistes !

Et puis qu'on ne soit pas si pressé de me déclarer inutile ou anéanti, j'avais prévenu que le calendrier religieux allait provoquer la colère de Zeus et de Poséidon mais à l'époque, on a rien trouvé de mieux que de me taxer de folie et d'inutilité comme aujourd'hui. Le Roi a changé son calendrier ? La belle affaire ! Que pouvait-il faire d'autre que de se plier aux volontés divines ?!
Et puis Cimon n'a pas su éviter les disettes qui sont une conséquence directe de son choix délibéré et doué de raison. Quel genre de faute serait-ce si la loi de Périclès venait à entrer en vigueur ?

Athènes était une grande puissance autrefois, elle tenait en respect l'invincible Spartes et avait maté la tumultueuse Marathon mais aujourd'hui, la royauté a fait d'Athènes l'arrière cour de nos deux plus dangereux ennemis !
J'ai été souvent à Delphes quand Cimon m'a nommé ambassadeur et je peux avancer qu'Athènes est la risée de la plupart des grecs ! Nous n'avons plus d'armée, plus de flotte, plus d'argent et plus d'honneur ! Voila le bilan de la royauté !

Enfin, les Dieux n'ont jamais abandonné ma personne. Zeus Roi ne souffrirait pas qu'un homme souille les habits que je porte ni ne prenne en main le baton du Grand Prêtre, don des Dieux envers les Hommes. Seulement, je dirais que mes positions personnelles n'engagent que moi même. Je ne parle au nom du Temple de Zeus que lorsque le Temple de Zeus est en cause et je n'ai jamais parlé au nom des Temples athéniens que quand la religion était en cause.
L'an passé a vu le Roi faire une erreur monumentale et Athènes en souffrir amèrement. L'année qui vient verra une seconde erreur du Roi produite parce qu'il est bouffi d'orgueil et de crainte. Et Athènes en souffrira encore !

Quand les athéniens ouvriront-ils les yeux ? Je suis magistrat athénien depuis plus de dix ans, j'ai été Epistate de nombreuses fois, héliaste et bouleute. J'ai connu le coeur du pouvoir et j'ai l'expérience d'un homme d'état allié à la sagesse d'un homme de Temple. J'ai été éduqué pour aider et guider les hommes dans leur foi et dans la recherche du Bien Commun. J'ai démentelé le réseau d'Irtamène le Maudit, j'ai repoussé l'attaque de ses bandits dans le Temple de Zeus, j'ai prédit la trahison de Thémistocle et la chute de Doréos. J'ai prédit la guerre contre la Perse aussi. J'ai aidé aux alliances avec Laurion, aux traités de paix avec Marathon. J'ai discuté avec les Rois, les Tyrans et les ambassadeurs et depuis toujours, je discute avec le peuple athénien. Nombreux sont ceux qui peuvent prétendre m'avoir aperçu dans les rues tout au long de l'année, avoir discuté avec moi, avoir assisté à mes prières communes, avoir partagé un repas avec moi ou même avoir reçu des conseils de ma part. J'ai recueilli les orphelins de la guerre contre Marathon, j'ai ouvert la première école d'Athènes qui inculque nos valeurs à nos futurs dirigeants.
On me traîte de fous et l'on crache sur moi et ma réputation mais qui peut prétendre être aussi proche du peuple depuis plus de dix ans ? Pourquoi suis-je toujours l'homme préféré des Dieux et l'homme le plus populaire à Athènes si ce n'est parce que je voue ma vie à l'Olympe et à Athènes ?
Jamais je n'ai trahi ma pensé. Jamais je n'ai trahi personne et je ne porte pas de sang sur mes mains. Je n'ai jamais tué aucun athénien et toujours je me suis battu pour que notre cité, la cité d'Athéna, soit la première parmi les grecs.